Ce tableau de Gamelin nous montre qu’il y a encore des découvertes à faire sur l’artiste : quelle était sa destination, ses commanditaires ? Cette oeuvre, d’un format rare pour l’artiste: 200 x 139 cm, est pourtant passé dans l’oubli!
Le tableau est inédit, dans aucun des ouvrages sur l’artiste on ne trouve de référence, ni sur ce tableau, ni sur une éventuelle décoration dans laquelle il aurait pu s'intégrer. Il n’a non plus jamais été exposé, ni aux salons de Toulouse ni, en 1938, à Carcassonne. Il a certainement quitté la région du midi très tôt. Le tableau est réapparu dans le Nord-Est de la France. Le seul élément historique dont nous disposons, est que ce tableau a appartenu à la collection du peintre toulousain Joseph ROQUES 1754-1847 ou à celle de son fils Guillaume ROQUES (Toulouse 1778 -1848) peintre lui aussi. Quand Gamelin quitta Montpellier en 1783 pour Narbonne c’est Joseph ROQUES (Toulouse 1754-1847) qui lui succéda à la direction de l’Académie de Montpellier, il forma plus tard le jeune Ingres de 1791 à 1797 et avec qui il demeura en excellente relation. Ingres disait de celui-ci qu’il était son véritable maître.
Nous pouvons dater l'œuvre Probablement de sa période montpelliéraine 1780-1783, par l’origine, mais aussi par son style, ce tableau est proche de ceux datés de cette époque ou nous le savons, Gamelin travaille à la décoration d'hôtel de Montpellier.
Gamelin réserve d’habitude ses tableaux de grandes tailles aux compositions religieuses destinées aux églises. Ici vraisemblablement, en raison de ces dimensions et les traces d’un cadre chantourné, le tableau était destiné à la décoration d’un hôtel particulier. Il devait s’intégrer à un ensemble de plusieurs tableaux de hauteurs plus ou moins identiques. Je doute qu’un tel ensemble fut achevé et mis en place, sans aucun commentaire sur celui ci ne nous soit parvenue. Ce projet a t’il été abandonné?
Le sujet aussi évoque une décoration privée. Un sujet “aimable” là aussi plutôt rare chez Gamelin, certainement tirée de la littérature romanesque. Le manque d’attribut des personnages ne nous guide pas beaucoup pour l’identification du sujet. On y voit dans un paysage sans architecture, trois personnages vêtus à l’antique : deux debout enlacées, l’un d’eux s’accoude à un rocher, sur la partie gauche du tableau, à droite, une femme est assise les trois acteurs de la scène ont les pieds dans l’eau d’un ruisseau. À première vue il s’agit de trois femmes, on peut y voir un bain de Diane, bien qu’aucun élément distinctif de celle ci : arc, chien ou croissant de lune, ne soit présent dans le tableau. Cependant un doute subsiste, il n’est pas exclut que la figure debout à gauche du tableau soit un homme, le sujet peut être alors les adieux de Narcisse et Echo prés de la source. La femme de droite reprend une iconographie classique des sources, Narcisse à gauche la regarde dans les yeux comme pour s’y mirer, dédaignant Echo. Le rocher sur lequel est appuyé Narcisse, évoque la triste fin d’Echo qui s’y laissera dépérir de chagrin. Gamelin a voulu représenter la beauté de Narcisse d'où l'ambiguïté du jeune et fin visage de celui ci. Quand on connaît la richesse des sources d’inspiration de Gamelin d’autres hypothèses sont possibles...

Quant au personnage central du tableau “Echo” on y reconnaît sa femme qui lui servit de modèle, Giulia Tridix qu’il épousa le 4 mai 1771 à Rome.

La composition est élaborée avec soins. Le groupe de personnages occupe toute la largeur du tableau dans une composition pyramidale classique, où le subtil jeu des mains et des pieds est savamment organisé suivant des lignes convergentes vers le ciel et le ruisseau désignant les deux éléments consécutifs de la vie : L’air et l’eau.
La matière aussi est riche et subtile avec des glacis et des couleurs acidulées si caractéristiques, tel le rose et le jaune orangé, au contraire de certaine grande composition “relâchées” à laquelle Gamelin n’apporte pas le fini de ses tableaux “de chevalet”.
On retrouve Dans ce tableau toutes les qualités du maître carcassonnais qui s'attache à développer tout son savoir-faire.